[Entretien] Oui ou Non: trois affirmations sur le journalisme jeune

CC Gary Thomson

Nous l’avons vu dans Journalisme jeune: fondements: il est difficile de définir la presse d’initiative jeune puisque les journalistes jeunes ne forment pas un groupe homogène. Nous pouvons nous poser de multiples questions sur la façon de faire du journalisme jeune, le but ultime, les idéaux… Et chacun apportera une réponse différente à toute les interrogations.

Aujourd’hui, Marie Camier, Edouard Daniel, Marie Laroche et Anna Lentzner, bénévoles de l’association Jets d’encre, apportent leur avis sur trois affirmations. Je vais donner mon avis dans un papier qui s’inscrira dans une autre démarche.

La presse d’initiative jeune peut toucher un public plus large

C’est-à-dire être diffusée en kiosque ou sur internet pour devenir une véritable alternative aux médias professionnels. L’affirmation suivante « Le journalisme jeune peut se professionnaliser » n’est pas sans lien car qui dit « toucher un public plus large  » dit modèle différent.

Oui/Non

Anna Lentzner:  c’est le cas du Journal International de Lyon, qui se vend en kiosque. Tout est une question d’ambition de la rédaction. Pour moi un journal jeune ça veut pas dire un journal « pour les jeunes », mais fait « par les jeunes ». Donc évidemment que le public peut être autre que des jeunes. Même si dans la pratique c’est plus difficile, parce qu’il faut se donner les moyens de diffuser le journal dans des lieux où passent les « non jeunes » et donc la fac, le lycée, etc. n’est pas suffisant. Mais les journaux de quartier et de ville touchent un public « vieux ».

Edouard Daniel: cela dépend de la ligne éditoriale. En effet, un journal lycéen pourra difficilement prétendre à toucher un public plus large que celui du cadre scolaire. Etre diffusé en kiosque par exemple induit des nouvelles problématiques (numéro ISSN…). Et le public ne sera pas forcément réceptif car il est habitué à un formatage, à une hiérarchie précise de l’information.

Marie Laroche: dans l’idéal oui car les journaux jeunes se destinent à tous les publics, leur particularité, c’est qu’ils sont fait par des jeunes. Dans le cas d’un élargissement de la diffusions d’un journal jeune, il faudrait réfléchir à un axe de travail alternatif afin de ne pas copier ce que fait la presse professionnelle (exemple du journal Europa). Le problème qui va se poser selon moi c’est celui de la temporalité : comment conserver l’idée d’initiative jeune et de diffusion d’un propos citoyen et alternatif à grande échelle si on cumule à côté études, boulot…

Marie Camier: Un journal jeune peut bien entendu prétendre à toucher un plus large public. Mais la difficulté réside plus dans la réception que dans la capacité à diffuser l’information. Tant la société ne fera pas confiance en ses jeunes, le journalisme jeune restera alternatif.

Le journalisme jeune peut se professionnaliser

C’est-à-dire que le journalisme jeune peut devenir une pratique commerciale, avec rémunération des journalistes et statut juridique (Société Anonyme…).

Oui/Non

Anna Lentzner: le journalisme jeune est une activité faite par des jeunes pour s’exprimer (but premier), pas pour gagner des sous. Et pas pour devenir journaliste. Juste pour s’exprimer. Par contre, ça peut arriver qu’un journaliste jeune se professionnalise. Qu’une rédaction devienne professionnelle dans le sens « entreprise » du terme, pas de compétence.

Non

Marie Laroche: les interrogations évoquées ci-dessus remettent en cause l’intérêt de la professionnalisation. Le journalisme jeune c’est une manière de s’exprimer à une période de la vie bien particulière. C’est une expérience qui permet d’acquérir de nombreuses compétences qui serviront peu importe le métier que l’on souhaite faire. Pour autant, s’il souhaite se professionnaliser dans le milieu, le journaliste jeune devient un jeune journaliste.

Marie Camier: le journalisme jeune est un esprit. Un journal jeune peut se constituer en association loi 1901, mais pas en entreprise. Il faut faire la différence entre journalistes jeunes et jeunes journalistes. Le Bondy Blog est par exemple écrit que par des jeunes journalistes. Même si le modèle du journalisme jeune n’est pas professionnel, ça n’empêche pas ses acteurs d’être rigoureux, responsables et sérieux.

Edouard Daniel: Il ne faut pas perdre de vue l’esprit militant du journalisme jeune. S’il se professionnalise, il faudra qu’il pense rentabilité. Que la presse d’initiative jeune garde une certaine insouciance !

La carte de presse jeune doit devenir plus qu’un symbole

la carte de presse jeune

C’est-à-dire devenir un outil qui crédibilise le journaliste jeune devant les instances du journalisme, les journaux professionnels et qui permet d’être accrédité facilement pour des évènements.

Oui/Non

Anna Lentzner: elle peut, et cela dépend du but. Si c’est la reconnaissance du journalisme jeune comme journalisme à part entière… Pour moi la carte de presse jeune, c’est surtout un acte militant, de reconnaissance de la Charte des journalistes jeunes.

Marie Laroche: la carte de presse jeune se base sur une charte écrite par des militants associatifs engagés pour la défense de la presse d’initiative jeune. C’est un acte militant que de demander sa carte, ainsi il faut la dissocier de la carte professionnel qui sert à exercer un métier avant tout. Aujourd’hui la carte de presse jeune ne doit pas forcément devenir plus qu’un symbole mais elle doit être davantage reconnue afin que chacun puisse identifier et connaitre l’intérêt de la presse jeune !

Non

Marie Camier: on doit garder le journalisme jeune à part du journalisme professionnel. En Allemagne, Junge Presse veut rapprocher le journalisme jeune au journalisme professionnel. Pourtant, c’est une vraie richesse de distinguer les deux! Le culot de la personne joue beaucoup pour par exemple être accrédité.

Edouard Daniel: vu que le journalisme jeune est du bénévolat, la carte de presse jeune doit rester symbolique. C’est une question de confiance. Le journalisme jeune se dessine plus comme une passion plutôt qu’une vocation professionnelle.

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