Hexagones en passant par le terrain

Hexagones
Cette interview est tirée du numéro 3 de la revue Ina Global paru en octobre 2014. Cette version diffère de celle publiée dans la revue.  

Il avait participé en 2013 à l’aventure du site Info du Jour aux côtés de Denis Robert. En 2014, Thierry Gadault a lancé sur les mêmes bases Hexagones, dont il est le rédacteur en chef. Interview.

Comment définissez-vous Hexagones ?

Thierry Gadault : Hexagones est un site payant d’information non pas locale mais nationale implanté en région qui a été lancé après l’abandon d’Info du Jour en septembre 2013. Pour trouver l’information qui intéresse tout le monde, inutile d’être à Paris. Plus encore, pour sentir le terrain et pour trouver des angles originaux, mieux vaut être implanté en région ! Nous souhaitons ainsi améliorer l’info nationale. C’est un projet de journalistes qui souhaitent exercer leur métier dans des conditions normales : sortir, aller enquêter, faire du reportage sans être soumis à la dictature de l’immédiateté.

Hexagones est-il un concurrent à la PQR et à la PQN ?

Thierry Gadault : Non, car Hexagones est un site magazine qui ne traite pas de l’actualité brûlante. Cette information brute est accessible gratuitement en temps réel : elle n’est pas finançable. Par ailleurs, une information brute n’a pas de sens. Nous sommes journalistes et devons prendre du recul, ce qui est impossible dans le flux de l’actualité quotidienne. Le Monde, Libération ou les newsmagazines ont parfois de très bons sujets de reportages et d’enquêtes mais ce n’est pas systématique. Nous, c’est notre crédo.

Pourquoi Hexagones est-il un projet de nouveau journalisme ?

Thierry Gadault : Avec les nouvelles technologies de l’information, on se libère d’un carcan d’économie verticale et physique qui caractérisait les entreprises du XIXème siècle. On peut créer de nouvelles structures beaucoup plus légères qui correspondent à l’évolution de notre métier au cours de ces vingt dernières années et agglomérer des compétences sans avoir le lien formel d’une entreprise. Hexagones fonctionne sans coûts fixes, de manière déconcentrée et collaborative. Les coûts variables sont liés à l’achat et à la mise en forme du contenu.

Dans quelle mesure vous êtes-vous inspirés de Mediapart ?

Thierry Gadault : Nous ne nous sommes pas inspirés de Mediapart car c’est davantage un quotidien. En revanche, ils ont démontré qu’un public était prêt à payer pour de l’info de qualité. C’est le seul modèle économique valable pour la vraie presse.

Votre campagne de crowdfunding a été une réussite. Combien de personnes se sont-elles abonnées ?

Thierry Gadault : Le crowdfunding a permis d’acquérir 17 000 euros et 350 abonnés. Nous avons construit une communauté qui croit au projet éditorial et avons reçu des financements qui nous permettent d’avancer plus rapidement sur certains projets tels que l’édition numérique ou la vidéo.
Nous ferons certainement d’autres campagnes de crowdfunding – sur des montants de l’ordre de trois à quatre mille euros – pour financer ponctuellement des projets de journalistes en apportant notre crédibilité. La prochaine campagne pourrait avoir lieu à la fin de l’année. C’est un mode de financement de l’information à prendre sérieusement en compte.

Quelle part du budget total les 17 000 euros ont-ils représenté ?

Thierry Gadault : Je ne communiquerai pas sur les chiffres, mais c’était une part cruciale. Un échec nous aurait amené à ouvrir le site dans des conditions très compliquées.

Combien de personnes se sont-elles abonnées depuis la campagne ?

Thierry Gadault : 200 personnes se sont abonnées à Hexagones depuis le 20 juin, essentiellement au moment de la parution de l’interview de Jean-Luc Mélenchon. Avec les 350 qui nous ont soutenus lors du crowdfunding, nous pouvons [le 4 septembre 2014 ndlr] compter sur 550 abonnés. Aujourd’hui, nous sommes en avance sur le plan de développement. Mais pour réussir, Hexagones devra avoir cinq à sept mille abonnés.

Quel lien entretenez-vous avec le lecteur ?

Thierry Gadault : C’est extrêmement complexe. La relation avec les lecteurs doit rester ce qu’elle est. Le lecteur est un consommateur. Ses critiques et ses propositions sont les bienvenues mais cela ne doit pas aller plus loin. Rue89 avait creusé l’idée du journalisme collaboratif et cela n’avait pas marché car des problèmes déontologiques étaient soulevés.

Allez-vous produire du contenu mobile first ?

Thierry Gadault : Non, il n’y a pas de raisons. Le mobile est un moyen de diffusion comme le PC et la tablette. Pourquoi réserver des contenus à l’un plutôt qu’à l’autre ? C’est une question de design, de technologie mais pas de contenu. Ces réflexions, je ne les comprends pas, ce ne sont pas des réflexions de journalistes.