Xavier Delacroix : « Au Fait est basé sur le modèle de l’offre »

Le comité de rédaction du magazine Au Fait
Le comité de rédaction du magazine Au Fait – ©AuFait

A l’occasion de la parution du numéro 6 du magazine Au Fait ce 28 novembre, Xavier Delacroix, directeur de la publication, revient sur le concept et sur sa conception du journalisme.

Au Fait, le concept

Présentez-nous le fonctionnement de la rédaction

Xavier Delacroix: Il n’y a pas de hiérarchie traditionnelle chez nous. Le comité de rédaction est composé de cinq-six personnes qui ont entre 27 et 67 ans. C’est une petite équipe et tout le monde s’occupe de tout. On peut aussi bien animer la rédaction que rechercher des fonds.
Ce comité discute des sujets qu’il aimerait traiter et des sujets qui lui sont proposés.

Quel est le modèle économique du magazine?

X.D.: Il est très simple. Nous partons du constat que les grosses rédactions que nous connaissons vont très rapidement disparaître. Il faut donc réinventer un modèle économique. Je pense que le notre n’est pas mauvais. Au Fait ne fonctionne pas avec des salariés. Nous nous rémunérons en honoraires ou avec une facture.

Les nouvelles technologies nous permettent de travailler avec tout le monde. Ainsi, un illustrateur québécois a collaboré sur la maquette d’un des numéros. Tout s’est fait via Skype. Nous ne sommes pas dans un fonctionnement dinosaurien.

Comment vivre avec deux sujets par mois?

X.D.: Au Fait n’est une activité exclusive pour personne. En ce qui me concerne, je suis aussi consultant.

Au Fait, un numéro

Pouvez-vous nous décrire l’élaboration d’un numéro?

X.D.: Prenons l’exemple du numéro six. Il paraît ce 28 novembre en kiosque. Le 27, il est distribué aux abonnés et aux librairies. Le 18, nous avons procédé à sa relecture. Le 8, la maquette a été finalisée avec l’illustrateur. Mi-septembre, l’enquête a été rendue. Elle avait été entamée en mai. Le grand entretien, qui a pour thème le sens de la guerre, a été réalisé en mars-avril.
Comptons six mois pour construire un numéro.

De quelle manière l’enquête est-elle mise en place?

X.D.: Les sujets sont tous signés par des experts. Pour le numéro cinq, Thomas Bronnec et Laurent Fargues, journalistes, avaient déjà écrit un livre et réalisé un documentaire sur Bercy. Dans le prochain numéro, c’est un spécialiste du système E. Leclerc qui réalise l’enquête.
Celle-ci a fait la navette entre la rédaction et un avocat pendant un mois à cause de la sensibilité du sujet.
Concernant le travail avec l’illustrateur, nous lui envoyons un synopsis de l’enquête au plus tôt. Dès que possible, il reçoit l’enquête définitive pour finaliser le travail.

Et l’entretien?

X.D.: Les entretiens ne sont pas réalisés avec des personnes connues, et certainement pas avec des « toutologues » qui vous parlent aussi bien de la crise financière que du tapis posé sur ce sol.
Le journaliste rencontre le protagoniste pendant six heures (généralement en deux fois trois heures).

Au Fait, état des lieux

Xavier Delacroix
Xavier Delacroix – ©AuFait

 

Qu’en est-il de votre présence numérique?

X.D.: Nous connaissons nos qualités, mais aussi nos défauts. En l’occurrence, nous ne sommes pas bons sur les réseaux sociaux et avons du mal à faire du buzz sur notre actualité. Il faut rapidement y remédier. Je crois vraiment au web car l’information y est virale.

La presse papier a un vrai problème. Ce que dit Patrick de Saint-Exupéry sur la presse numérique est de la connerie.
Ainsi, en plus de la version papier, nous proposons une version iPad enrichie par rapport à la version papier.

Alors pourquoi un support papier?

X.D.: Nous ne proposons pas uniquement Au Fait sur support numérique car notre public est amoureux de l’objet papier. Le papier était évident pour nous.
Le slow-journalisme s’y conçoit plus facilement car le business model du web est basé sur le nombre de clics.

Justement, ce public n’est-il pas trop parisien?

X.D.: Si, largement. Notre public est celui qui regarde Arte et qui lit Télérama. Nous souhaitons être plus connu dans les autres grandes villes françaises. Rennes est particulièrement approvisionnée par ce sixième numéro.

A six numéros, vous portez-vous bien?

X.D.: Relativement. Pour être rentable, nous devons vendre 10 000 exemplaires par numéro. Après cinq parutions, nous tournons plutôt autour des 7 000 exemplaires. Oui, le problème majeur est le prix. Au Fait est cher.

La motivation est-elle toujours là?

X.D.: Oui. On s’amuse bien. C’est valorisant de réaliser un produit journalistique de cette qualité-là.

Au Fait, demain

X.D.: Notre principal problème est de ne pas être assez connu. Nous sommes persuadé que nous présentons un intérêt. Nous allons conserver la même ligne éditoriale.

Il faut absolument booster notre notoriété et être plus innovant.
Sur le web, nous pourrions mettre à disposition les anciens sujets qui ont vécu, tels que l’entretien de Helmut Schmidt du premier numéro.

Pour nos un an, nous espérons pouvoir mettre en place un débat en province dont le thème pourrait être : le papier a-t-il encore du sens ?

Au Fait et la presse

La crise de la presse n’est-elle pas une crise de l’offre?

X.D.: Exactement. Au Fait est basé sur le modèle de l’offre. Et s’il n’y a pas de demande… Car si nous devions la satisfaire, nous publierions des sujets racoleurs ou des marronniers.

Vous contribuez à la presse à deux vitesses…

X.D.: Je ne le nie pas. En quelques sortes, nous créons une information riche pour les riches. Pour qu’il y ait une demande, il faut mettre le paquet dans l’éducation. En politique, cela doit être la priorité des priorités. Ainsi, cette information de qualité deviendra abordable et accessible.

Mise à jour – 16 décembre

X.D.: Le numéro 6 se vend bien. Philippe Meyer a parlé de nous sur France Culture. E. Leclerc a eu intelligence de ne pas bouger. Cela aurait fait trop de bruit. Nous aimerions organiser un débat avec E. Leclerc sur les questions soulevées par Bertrand Gobin, en cette période de très forte consommation.

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