Beyrouth : récit de voyage

Beyrouth
Sur un mur d’un appartement à Chatila

 

Du 17 au 28 février, je suis allé réaliser un reportage écrit avec un ami à Beyrouth au Liban. Tous les jours ou presque, j’ai raconté ce que j’ai vu et ressenti.

Tavu la sécu ? – Partie 1/2

Arrivé à Beyrouth hier 17 février à 4 heures du matin avec Maxime (coucou Maxime), j’ai déjà des choses à vous raconter. Avant d’attaquer le vif, quelques informations à la con : Je suis au Liban du 17 au 28 février !

Maxime c’est le mec du genre à répondre « ok à fond je suis chaud » quand je lui dis « Beyrouth ? ». Du coup on a décidé en novembre dernier de réaliser un reportage dans la capitale libanaise. Je ne répondrai pas à la question « mais pourquoi ? » car il n’y a pas de réponse (mais sinon oui les questions et les remarques sont les bienvenues !).

Ensuite, il y a eu une phase de persuasion aigüe de la part de ma maman (hallo mama) pour m’interdire de mettre les pieds dans cette ville et tout ce qu’elle espérait, c’est que la douane me refoule à la frontière (elle va être déçue, d’où l’objet :))

Avec Max, on a d’abord voulu traiter pleins de petits sujets tels que « le tourisme », « les riches », « la night », « le milieu carcéral » (c’est Max celui-là)… puis on s’est dit que nan quand même fallait pas déconner.
Donc on va bosser sur…
L’inscription des camps de réfugiés palestiniens Mar Elias et Chatila dans la ville de Beyrouth et les inter-échanges et interrelations institutionnelles et de la société civile qui créent du lien entre les camps et la ville.
Oui, je le dis tout de suite, notre objectif est d’aller dans les camps faire du terrain. Mais don’t worry, je vous expliquerai plus précisément et moins pompeusement la situation actuelle.

Avion à Charles de Gaulle à 20 heures 35, on est arrivé (un peu trop) peinard mais on a quand même pu s’étonner du plan Vigipirate (alerte attentat rappelons-le) tranquilou, avec des policiers qui ne veulent pas voir nos papiers et qui faisaient des blagues !
Arrivée dans l’avion avec une fabuleuse musique serbe (merci Air Serbia) puis vol paisible (avec escale à Belgrade Air Serbia oblige).
Nous atterrissons à Bey (Yes on peut dire Bey) à 3 heures 15 (CET +1) et re-youpi la Sécu !

Voici ce qu’on peut trouver sur le site du ministère français des affaires étrangères :
Compte tenu de la situation sécuritaire au Liban, il est vivement recommandé d’éviter d’arriver par un vol de nuit en raison de vérifications d’identité très poussées effectuées à l’arrivée à l’aéroport Rafic Hariri (Beyrouth). Dans ce cas, les délais d’attente pour obtenir le visa d’entrée sur le territoire libanais peuvent être de 8 à 10 heures.

Tu as bien lu. Pour le vol de nuit c’était moins cher, et pour obtenir un visa d’entrée bah… 75 secondes. Oui 75 secondes. On a du passer devant deux mecs (oui en 75 secondes), le premier a pris mon passeport, m’a regardé, a regardé le passeport, a regardé dans le vide, a regardé le passeport, a regardé dans le vide, a regardé son ordi, a feuilleté le passeport (très scrupuleusement pour vérifier qu’il n’y ai aucune trace d’un passage en Israël) puis l’a tamponné. Le deuxième mec a dit « Belgrade ? Go go go ». Voilou.

À la sortie de l’avion, on a fait connaissance avec Milan, prof de maths à Torcy (coucou les banlieusards de l’est-parisien) qui avait déjà booké un taxi pour lui (donc pour nous héhé).
Après 10 minutes de trajet, on arrive « entre Big Sale et Hawa chicken » et là…

Tavu la sécu ? – Partie 2/2

… Et là, il faut payer (tavu le suspens !?). Alors non, c’est pas si simple que ça. Avec Maxime, on avait échangé des euros contre des dollars en France (exactement 449$ pour 400€) et le taxi coûtait 15 dollars. Sauf qu’on était trois et que le taxi-driver n’avait que des livres libanaises (LL) à nous rendre. Tout le monde rend exclusivement des LL mais tout le monde prend les $ et les LL (va savoir où vont les doll’s). Finalement, j’ai dû donner 22 $ pour qu’il me rendre 12 000 LL ! Le mix marche aussi, tu peux donner des $ et des LL, mais on te rendra toujours des LL. Faut s’y faire.
Note : 1$ = 1500LL (c’est toujours vrai car le cours des LL est indexé sur celui du $) et 1000LL = 0.6€.
Le niveau de vie est à peu près le même qu’en Europe mais il y a la grosse exception qui rend Maxime heureux : le prix des clopes. Avec un bref petit calcul, on arrive à un prix par cigarette de 0.04-0.08€ soit 10x moins qu’en France.

Avant de passer notre première nuit libanaise, on a pu vivre une dernière petite expérience : l’ascenseur (ah oui, rien à voir, mais il y a des vierges Marie éclairées par des lumières multicouleurs à tous les coins de rue car quartier chrétien). En fait cet ascenseur n’a pas de porte intérieure. Ça me rappelle ma grand-mère qui me dit toujours « fais attention à tes doigts ils vont se coincer dans la porte » (coucou Mamoun). Ici c’est pratique y’a pas de porte. Donc j’ai failli rester bloqué à cause de mon sac à dos. Je vous rassure tout de suite, on ne peut pas ouvrir les portes extérieures qui mènent sur les paliers (oui on a essayé pendant la montée, on est con) et, découverte récente, on peut stopper l’ascenseur n’importe où (entre les étages aussi bien sûr) ! C’est marrant.

Au réveil, Alex (coucou Alex) nous briefe un peu sur la vie quotidienne à Beyrouth. La première chose, toute bête, c’est que l’eau du robinet n’est pas potable (mais elle est douce, contrairement à d’autres endroits de Bey). La deuxième chose, c’est que il y a trois heures de coupures de courant quotidiennes. J’avoue avoir été assez surpris d’apprendre qu’une grande ville comme Beyrouth pouvait être assujettie à cette contrainte. C’est tellement « normal » que lorsque nous étions à l’Ambassade de France dans la salle d’attente avant de voir le conseiller presse, la coupure de trente secondes a laissé le policier sans broncher.

Quand tu sors dans la rue, il y a deux trucs qui te marquent :
1. L’espace routier et
2. La sécurité.

1. L’espace routier = Les piétons aux chiottes

Même si le taxi n’est pas cher (c’est pas au km ou au temps mais à la course. Une course = 2000 ou 4000LL par personne soit 1,25 ou 2,50€ dans tout Beyrouth) on privilégie la marche. C’est un peu galère avouons-le. Déjà, les trottoirs ne sont pas toujours présents OU il sont dans un état pitoyable OU les voitures sont garées dessus OU les échafaudages d’une reconstruction sont dessus (on en parlera des reconstructions). Ah oui et puis les égouts ça marche pas trop donc c’est vite la piscine (oui il pleut ici aussi et il fait froid on est content).
Ensuite, il y a de grosses bagnoles mais vraiment à l’américaine genre Range Rover et Chrysler qui ne laissent pas passer les piétons.
Pour traverser de toutes façons il faut faire du forcing. Aujourd’hui, on a suivi un papi pour traverser et il avait une technique !
Vous allez me répondre : « et les feux c’est pour les chiens ? ».
Oui c’est pour les chiens. Prenons un cas concret pour expliquer cette situation :
Cas A : le feu voitures est vert et le feu piétons est rouge = les voitures passent
Cas B : le feu voitures ne marche pas et le feu piétons ne marche pas = les voitures passent
Cas C : le feu voitures est rouge et le feu piétons est vert = les voitures passent.
C’est simple non ?
Donc la technique consiste à avancer en diagonale pour que les voitures puissent t’éviter plus facilement sans freiner (marche particulièrement bien pour traverser des quatre voies).
Paris à côté c’est easyyy.
Un truc qui nous a bien faire rire aussi c’est les bus. En fait, selon la théorie de Maxime que je rejoins, un bus « est un mec qui achète un van Honda, colle un « ligne 4 » et écrit « don’t kill me » dessus et klaxonne à fond ».

2. La sécurité

À l’aéroport c’était vraiment coolos pour la sécurité mais dans Beyrouth c’est plus du tout la même chose. Pas qu’on se sent surveillé en permanence (coucou totor) mais il y a systématiquement la présence de la police, de l’armée, de la sûreté générale ou d’une sécurité privée. La police c’est un peu comme chez nous, à part que leurs voitures sont comme dans les films et qu’ils ont aussi des motos-cross (‘fin y’a un flic qui était tout content sur son scooter avec le panier à l’avant). La sûreté générale c’est la douane, les services généraux, les services secrets et deux trois trucs un peu opaques et l’armée bah ça se pose avec un tank devant l’ambassade française. NORMAL.
Lors de notre ballade à Bey aujourd’hui (plus détaillé dans le prochain mail) on a vraiment vu un paquet de militaires, de barbelés, de murs, de barrages qui ne font pas oublier que la situation au Liban est relativement tendue et, selon les observateurs, qu’elle peut dérailler à chaque instant.

Pour terminer pour une note aussi joyeuse, je voulais partager une image forte : hier soir, en rentrant du restaurant, on a pu voir un très jeune enfant voulant vendre des fleurs, en gardant un certaine distance, à des militaires, évidemment armés.

Sur font de guerre civile

Marhaba !

Désolé, je n’ai pas trop pris le temps d’écrire ces trois derniers jours, on va dire que c’était le week-end ! En vrai, on a fait plein plein de trucs. Je vous garantis donc une autre histoire après celle-ci et elle va arriver très rapidement.

Vendredi, nous avions rendez-vous avec un interlocuteur à l’Ambassade de France. Mais à notre arrivée, les gardes (des forces armées libanaises) nous ont empêché d’entrer car il y avait une manifestation d’une trentaine de personnes en faveur de la libération de Georges Abdallah. Pour faire bref, Georges Abdallah était considéré comme le chef de la Fraction armée révolutionnaire libanaise (FARL). En 1987, il est condamné en France à la réclusion à perpétuité pour complicité d’assassinat d’un militaire américain et un diplomate israélien. Depuis 1999, il est libérable mais ces demandes de libération sont toutes rejetées (je ne rentre pas dans les détails du pourquoi). La prochaine décision de la cour d’appel concernant sa dernière demande sera rendue ce jeudi 26 février.

Samedi, l’ambiance était totalement différente puisque nous sommes allés dans la montagne faire du snowshoeing (des raquettes !). Oui, nous avons eu de la pluie avant, aujourd’hui nous étions en t-shirt et ce samedi on a pu profiter d’1,50 mètre de neige à 1300 mètres d’altitude pour faire une balade de 3 heures 30 avec un économiste, une journaliste et une employée de l’ambassade britannique. Notre guide était Rémi, un franco-libanais qui a vécu 6 ans au Liban puis 19 ans en France. Il est de retour au Liban depuis 2 ans et travaille dans un restaurant le soir pour pouvoir subvenir à ses besoins (en plus de travailler en tant que guide). La situation touristique est vraiment difficile, je ne vous surprend pas. En même temps, quand Rémi nous dit « alors dans cette direction à 50 km il y a l’EI », on peut comprendre pourquoi !

neige-liban
1,50 mètre de neige

Cette rando nous a permis, par hasard, de rencontrer Bob, un ancien commando d’un corps d’élite des Forces Libanaises (FL), une milice chrétienne et un parti politique fondé par Béchir Gemayel. Ah, on commence à toucher à la guerre civile du Liban. Je n’en parlerai pas, ou seulement via ce que j’ai pu voir pendant ce séjour. Donc ce fameux Bob, après avoir servi les FL de 1975 à 1990, a lancé le projet de construction d’un monastère dans la montagne, épaulé par d’autre soldats, en hommage aux morts et aux martyrs de sa communauté confessionnelle. Avec quelques recherches sur le ouèbe, on peut tomber sur des textes qui le dénoncent comme un criminel de guerre… À nous, il nous a juste servi le thé et des pâtisseries orientales.

Ça Arak !

Je préviens, aujourd’hui, ce sera bref ! Après deux rendez-vous pour notre reportage, on a profité du vendredi soir pour se poser un peu. Mais avant ça, je me permets un petit retour aux bases : la circulation routière. Maxime et moi avons été très étonnés de voir cette image collée sur un Parkmètre :

parkmetre-liban
Si tu ne sais pas te garer

Ça se trouve plutôt dans les livres de codes en France, non ? Puis en discutant ce soir, on a appris que Nabil, un coloc’, avait acheté son permis 500 dollars après avoir fait une mini-manoeuvre et que le bout de papier avait même été livré gratuitement à la maison (free delivery, comme le falafel d’hier soir !). On a aussi appris qu’en Syrie – toutes choses égales par ailleurs – les conducteurs ne connaissaient pas le frein et qu’il fallait faire du sport pour traverser !

Nabil est libanais, vient d’une famille très aisée mais a décidé de partir le plus tôt possible faire un tour du monde à vélo de… huit ans ! Parcourant 49 pays, il compte partir avec 0$ et cherche actuellement des sponsors !
Meneur de la soirée, il nous a également fait découvrir l’Arak, un alcool fort qui ressemble au Pastis. Il se boit coupé à l’eau et avec des glaçons pillés et peut afficher un taux de 70% lorsqu’il est distillé trois fois et préparé par les particuliers. Bon le nôtre sort de la boutique du coin et n’affiche « que » 40 degrés au compteur. Finalement c’était pas si mal car les maisons étant pensées pour l’été libanais, il fais actuellement aussi froid qu’à l’extérieur, soit 10°C !

The place your mom want you to eat

Hop, le troisième ! Oui je suis motivé et oui j’aime vous écrire nos aventures. Merci à tous pour vos petits mails ! Je vais vraiment essayer d’écrire notre journée tous les soirs pour espérer vous faire sourire ou tout simplement vous évader un peu. À partir de maintenant, je vais aussi vous envoyer une ou plusieurs photos par jours 🙂
Ah oui, aussi, Maxime, le mec avec moi, écrit aussi ce qui le marque ici. Des éléments peuvent se retrouver en double :/

Comme je vous le disais, il a vraiment commencé à pleuvoir hier et cela continue toujours. Ils ont annoncé une deuxième tempête, plus violente que la précédente dont nous avions entendu parlé en France. En effet, ces fameuses tempêtes peuvent causer de gros dégâts, mais en France, on considérerait plutôt ces deux évènements climatiques comme de simples « vents forts ». Ce n’est pas la force du vent qui détermine cette classification mais l’importance des dégâts causés !
Aujourd’hui, on a donc eu le droit à la traditionnelle coupure de courant de 6-9 puis celle de 12-15 heures, trop bien. On en a donc profité pour aller faire des courses au supermarché Fahra ! On arrive bien trempés et là je tombe sur l’invention du siècle : le remonte-caddie. Au lieu d’installer un tapis roulant plat, ici, ils ont construit un remonte-caddie qui marche un peu comme un train dans la montagne c’est-à-dire avec une roue dentée sur le caddie tractée par une chaîne. Après, on a trouvé la promo du siècle : les 18 rouleaux de PQ à 16 000 LL (soit 9 euros !?). Au final, on en a eu pour plus cher qu’un Carrefour en France…

Restons sur la bouffe avec l’expérience Falafel du soir. Bon, c’est la même chose qu’en France hein, sauf à un détail près, ça :

navetmarine
Ça se mange ?

Oui oui ça se mange, ça un « goût concept et on dirait des barres de Stabilo » selon Maxime.
En fait, c’est du navet mariné ou torshi left (je viens de faire quelques recherches, mais ça reste tout de même chelou) et ça peut se faire en France !

Aujourd’hui, on a également rencontré un réfugié syrien. Pour gagner un peu d’argent, il donne des cours particuliers d’arabes. Par curiosité, on a feuilleté le livre et on est tombé sur ça 😀

cours-arabe
Genre les étudiants ne font rien…

Sinon, côté travail, ça avance ! Les mails sont envoyés, les questions sont prêtes et les rendez-vous commencent à se caler. Au téléphone avec une chercheuse, j’ai pu entendre cet après-midi la douce voix de la Sûreté Générale (on peut dire surveillance générale hein) ! En pleine conversation, d’un coup je comprends pas ce qu’il se passe un type me parle en arabe, je lui répond « I don’t speak arab » (c’est vrai malheureusement) et pouf ça raccroche. J’explique tout ça et Alex me répond simplement
— Alors oui c’est normal c’est la table d’écoute de la Sûreté, ils ont enregistré la conversation et l’ont coupé.
— Euh… Mais je peux rappeler ?
— Oui ça m’est déjà arrivé, tu peux rappeler la personne sans problème.
— Ok ! C’est su-per

Sinon, je ne vous ai pas raconté ce que nous avons vu hier !
La coloc’ trop pip-pip qui nous accueille est située à 35 minutes du centre de Bey. Déjà, dans cette ville, il faut s’habituer, en plus de la sécurité omni-présente, aux constructions détruites, en reconstruction ou flambantes neuves. Sur la route, on passe à côté d’un des nids à snipers les plus connus de la guerre civile, la rue de Damas qui nous relie au centre étant la ligne de démarcation entre l’est et l’ouest.
Plus bas, on laisse sur notre droite la grande Mosquée avec le mémorial de Rafic Hariri (assassiné en 2005) et dont le dixième anniversaire a été commémoré il y a à peine une semaine. En face de cette mosquée (nouvellement construite après la guerre), il y a la place des martyrs avec une statue datant de 1916 criblée de balles. Cette place qui est soit disant le centre de la ville n’y ressemble pas du tout ! Nous n’avons vu aucun touriste. L’autoroute à 200 mètres, le terrain vague en plein milieu et le bruits des travaux y sont sûrement pour quelque chose.

Downtown
Vue de la place des martyrs

Le centre « vivant » s’est plutôt déplacé vers l’ouest, à Hamra.
Le fameux « Downtown », complètement refais à neuf, est le reflet de ce que le Beyrouth occidental aimerait être mais ce que les Libanais refusent. Avec ses magasins de luxe et ses grandes rues, il accueillent les gros 4×4 avec vitres teintées. Mais pour ne pas faire oublier que c’est quand même Beyrouth, les « trois vieux qui fument des clopes » se sont heureusement retrouvés devant une poubelle sur leurs chaises en plastique pourries !

Le contraste très frappant entre zones rénovées, occidentalisés, riches et les endroits détruits, partiellement rénovés et populaires est celui du fossé entre les propriétés privés et les espaces publics. C’est un contraste particulier car il n’existe non seulement entre deux quartiers mais surtout entre deux rues voire deux immeubles !

Le soir, on s’est posé boire une bière libanaise et un doudoushot. C’est de la vodka, du tabasco, du jus de citron et une olive pimentée à croquer ! Ah oui, et doudou ça veut dire merde 🙂

Sabra, Chatila et Mar Elias

Ces trois derniers jours, nous sommes rentrés dans le vif de notre reportage : Nous nous sommes rendus à Sabra, Chatila et à Mar Elias. Je vous passe l’historique de la Nakbah à nos jours. Au Liban, il y a douze camps de réfugiés palestiniens, dont trois à Beyrouth : Chatila, Mar Elias et Burj el-Barajneh. Pour notre reportage, nous nous intéressons particulièrement à Mar Elias et à Chatila. Bon je vais essayer de ne pas vous souler :
Peut-être que vous le saviez déjà, mais Sabra, où nous sommes allés dimanche, n’est pas un camp de réfugiés palestiniens tel qu’on l’entend selon la définition de l’UNRWA mais un gathering. Pour y aller depuis notre collocation, il faut longer l’autoroute qui mène à l’aéroport et rentrer en banlieue sud, chiite et contrôlée par le Hezbollah. Il faut passer un gros checkpoint contrôlé par l’armée et d’un coup, on arrive dans un autre monde. C’est un quartier (très) populaire limitrophe à Chatila qui accueille un très grand marché où l’on peut acheter tout et n’importe quoi à très bon prix (la ratatouille du soir était préparée par les légumes achetés à Sabra). L’ambiance est très particulière. On sent encore un peu de Beyrouth mais on distingue déjà l’autre côté du marché : Chatila.

Si on prend la rue à droite, puis la toute petite à gauche, on arrive dans le camp. Comme ça. La frontière est tellement poreuse qu’il est difficile de repérer l’officielle. En fait, on est à Chatila quand le ciel disparaît derrière les maisons dont les cinq étages ont été construits pour héberger les nouveaux arrivants, et ce depuis 1949. Les rues deviennent extrêmement étroites et laissent seulement passer deux enfants de 6 ans en scooter qui se croisent. Parfois, on doit aussi baisser la tête pour éviter de toucher un câble électrique et la canalisation d’eau qui goutte sur celui-ci. Une gigantesque toile de ces réseaux se dessine au-dessus de nos têtes. D’un Sabra très ouvert, on arrive dans un Chatila exigu. Le son se perd rapidement et l’ambiance devient plus calme. Pourtant, une grande partie de la population du camp est là, à revenir du marché, du travail, bref, à mener une vie telle qu’elle ne peut malheureusement qu’être.

Officiellement 9 000 habitants y vivent. Aujourd’hui, on estime que la population n’est plus qu’à 30-35% palestinienne. Les autres habitants sont des réfugiés syriens ou des pauvres qui viennent du Soudan, du Bangladesh mais aussi du Liban.

Mar Elias est un camp quelque peu différent. Il garde la caractéristique d’être ouvert (contrairement aux camps du sud du Liban), mais est considéré, du moins par notre protagoniste d’une association locale qui lutte pour les droits des Palestiniens, comme un camp « cinq étoiles ». Il n’a pas totalement tord. C’est le camp qui s’est le plus intégré à la ville de Beyrouth, dans lequel on rentre en empruntant un escalier qui part d’une 4 voies, juste en face de l’UNESCO. Mar Elias est aussi très petit : il compte environ 900 habitants et il se traverse à pied en trois minutes. Ce qui m’a le plus frappé, c’est la propreté des rues et le faible nombre d’habitants que nous avons croisé. À dix heures du matin, nous avons seulement rencontré des petits enfants qui jouaient et les fameux vieux qui fument des clopes sur des chaises en plastique. Sinon, le désert.

Ce que j’ai vraiment envie de vous dire à propos des camps, c’est qu’ils ne sont pas ceux que l’on pourrait imaginer depuis la France, coupés du monde, faits d’habitations en tôle et avec les rues couvertes de détritus. Cela n’empêche malheureusement pas que la situation sanitaire et surtout sociale soit extrêmement compliquée.

Beyrouth = contraste. Après Mar Elias, direction Dunkin’ Donuts pour une interview.

J-1

Dans un jour, nous sommes de retour à Paris. Ces deux derniers jours ont été particulièrement chargés et ont constitué le cœur de notre terrain pour notre reportage. Aujourd’hui, nous avons passé une grande partie de la journée à Chatila, et nous commençons à nous repérer dans le camp. Je n’ai probablement pas encore tout assimilé et je vais – je m’en excuse – limiter ce mail à cette photo. Mais don’t worry, on vous prépare un dernier article façon topito !

changeyourlife
J’ai pas essayé

Étrangers

Il y a des moments comme ça où l’on se demande pourquoi on a fait ça. Même si cela n’a pas duré très longtemps, ces deux dernières semaines ont été hyper-actives et permettent de soulever plusieurs questions : à quoi ça sert ? pourquoi partir à 4000 km ? pourquoi faire un sujet sur les camps de réfugiés palestiniens ? avons-nous pris des risques inutiles ?
Cela prendre sûrement un peu de temps pour y répondre et en attendant, voici un dernier récit, un peu plus long que le dernier, que j’écris juste avant de partir à l’aéroport !

Inutile de vous dire que les moyens de déplacement nous ont bien occupé. À pieds, nous avons été particulièrement embêté par l’inefficacité des Beyrouthins à nous montrer comment aller d’un point A à un point B, même si le point A, c’est eux. La raison ? Ils ne savent pas lire une carte. Quand nous nous sommes volontairement perdus dans Beyrouth un soir, il a fallu recouper les sources d’au moins dix badauds pour retrouver notre chemin.
Autre chose à la fois ennuyeuse et super-pratique : personne n’utilise les adresses pour se repérer. Par exemple, pour rentrer à l’appart, il faut dire « entre Big Sale et Hawa Chicken » et pour aller à ce rendez-vous « Dunkin’ Donuts Hamra »…

J’ai adoré prendre le minivan, ce fameux bus acheté par un type avec un « ligne 4 » collé dessus.
Il y a trois énormes avantages à ce moyen de transport :
1. Le trajet coûte 60 centimes d’euros
2. Il n’y a pas d’arrêts, on monte et on descend quand on veut (sur un trajet précis)
3. Il y en a pleins (toutes les minutes on en voit passer un)
De quoi se dire que chez nous, ça serais trop bien !

Sinon, j’ai essayé d’envoyer des cartes postales mais c’est trop galère. Déjà, les cartes postales n’existent pas, ou alors des vielles toutes pourries avec des photos des années 90 gondolées et jaunies par le soleil. Ensuite, les boîtes aux lettres n’existent pas, ou alors dans très peu d’endroit (et il paraît que certaines boîtes que l’on peut croiser sont désaffectées). Donc pas de cartes postales !
C’est un des impacts directement visibles de la chute du nombre de touristes, tout comme les cafés définitivement fermés à l’endroit le plus touristique de Beyrouth (la grotte aux pigeons, tiens je viens de me rendre compte que je ne l’ai même pas prise en photo).

Dans une ville où on passe à côté de guérites entourées de barbelé toutes les cinq minutes, on se demande souvent « et si on passait là avec [insérer objet qui fait boum] ?
On avait un rendez-vous à l’hôtel Matignon libanais, le Grand Sérail avec un organisme dépendant du premier ministre. Pour arriver dans le bureau, on a du passer par 6 STOP militaires et on a pu passer les trois premiers en disant « We have a meeting ». C’est tout !

Au retour, dans le taxi dans les bouchons, un mec vendait des mouchoirs aux voitures et l’autre, des poissons rouges. Normal.

Aujourd’hui, on a travaillé jusqu’au bout et nous avons terminé nos entretiens que une formidable rencontre avec une famille de réfugiés palestiniens de Syrie. La situation des réfugiés palestiniens au Liban est la pire, si on la compare aux réfugiés des autres pays tels que la Jordanie, la Syrie (avant la guerre) ou West Bank et la Bande de Gaza. La situation est catastrophique : les réfugiés palestiniens au Liban n’ont pas tous les droits humains auxquels on pourrait prétendre dans ce pays (droit au travail limité, droit à la propriété inexistant…). Pourtant, sur la non-échelle du pire, les réfugiés palestiniens de Syrie qui ont été contraints de venir au Liban à cause de la guerre sont dans une situation encore plus catastrophique. Cette famille vivait donc dans un camp palestinien en Syrie dans ces conditions relativement correctes et surtout, avec les mêmes droits que les Syriens. Ce fut donc un choc pour cette famille d’arriver dans un pays qui les considérait doublement pour des étrangers. Cette famille nous a accueillie dans leur nouveau chez-soi à Chatila, un appartement auquel nous accédons via une ruelle et un escalier pas droit. Elle nous a raconté comment elle avait fui la guerre après la destruction du camp de Yarmouk, comment elle s’est installée dans le camp de Burj el-Barajneh (Beyrouth), à quatre, dans un 15 mètres carrés avec une porte qui ne ferme pas et sans fenêtres. C’est bête à dire, mais l’appartement qu’ils ont désormais à Chatila est vraiment mieux.

Au retour, la nuit était tombée. On est sorti de Chatila par le marché de Sabra et on s’est senti bien. L’ambiance était vivante et chaleureuse.

Au revoir Beyrouth.

4 raisons pour lesquelles Beyrouth ne va pas me manquer

Beyrouth va me manquer, c’est clair. Mais il y a quatre raisons pour lesquelles je suis bien content de ne pas y vivre.

Les coupures d’électricité
Oui, peut-être que c’est un vieux con occidental qui tient à son confort qui vous parle, mais je vous assure que les coupures quotidiennes ne sont pas drôles lorsque l’appartement n’est pas équipé d’un générateur. On est en stand-by. Le bon côté ? On redécouvre la lecture et les échecs 🙂

La présence militaire

Oui, peut-être que c’est un vieux con occidental qui vit dans sa bulle qui vous parle, mais bon, croiser un militaire toutes les trois minutes, c’est franchement pas drôle (même si c’est sur un scooter tout mignon). Des fois, ce militaire est accompagné d’un char, de barbelés qui bloquent des rues entières, des sacs de sables entouré de camouflage et peut être pris par l’envie de t’interroger sur le pourquoi du comment de ta présence ici au Liban pendant 20 minutes (je compatis, Maxime).

Les taxis-driver
Oui, c’est peut-être parce que JUSTEMENT je suis parisien que je suis tellement content de voir que même à 4000 kilomètres, les taxi-drivers n’ont pas perdu de leur sympathie (LOL). Pas de bonjour, pas d’au revoir et ils tirent la tronche tout le temps.
(On est quand même tombé sur le best ever qui avait des troubles musculosquelettiques (TMS). Tu sais, pour dire qu’il est dispo, un taxi

​b​eyrouth​in​ klaxonne. Notre chauffeur avait sûrement quelques années derrière lui, et n’arrêtait pas de klaxonner, même dans un tunnel où il n’y avait personne !
Le « c’est trop cool » 
Oui, c’est peut-être car je suis un gros con Français que Beyrouth, des fois, c’est le bordel. Que les voitures se foutent des feux rouges et qu’il faille adopter des techniques pour traverser des autoroutes la nuit (oui oui on a fait ça), que les rendez-vous à 11 heures soient en réalité à 11 heures 30, qu’on te dise « demain, demain », des fois c’est chiant.

​On se retrouve pour mon prochain voyage ?​